17 avril 1975 : l’entrée des Khmers rouges dans Phnom Penh
Le 17 avril 1975, les Khmers rouges entrent dans Phnom Penh, capitale du Cambodge. Cette armée, composée de jeunes adolescents maigres, vêtus de noir et lourdement armés, met fin à cinq ans de guerre civile. Ces communistes radicaux, surnommés « Khmers rouges » par Norodom Sihanouk, renversent alors le régime pro-américain de Lon Nol.
L’« Angkar », nom donné à l’organisation du Parti communiste du Kampuchea, ordonne l’évacuation immédiate de la ville. Des millions d’habitants sont contraints de marcher vers des zones rurales, sous prétexte de construire une société agraire idéale. Cette date marque le début d’un génocide de masse.
Entre 1975 et 1979, entre 1,5 et 2,2 millions de Cambodgiens – soit 20 à 30 % de la population – meurent. Beaucoup périssent à cause des exécutions sommaires, des tortures dans des centres comme Tuol Sleng (S-21), des famines provoquées par la collectivisation forcée et des travaux dans des conditions inhumaines. Le régime vise à éliminer les intellectuels, les minorités et toute forme d’opposition. Il laisse derrière lui un pays profondément ravagé.
L’enthousiasme idéologique d’une partie de la gauche française
En France, la prise de Phnom Penh suscite d’abord l’enthousiasme de certains milieux de gauche. Fascinés par l’anti-impérialisme des Khmers rouges, plusieurs journaux saluent la victoire. Le 18 avril 1975, Libération titre : « Sept jours de fête pour une libération ». De son côté, L’Humanité rouge, publication maoïste, célèbre une « victoire du peuple ».
Ce soutien s’explique par le contexte de la guerre du Vietnam et le rejet de l’impérialisme américain. Des leaders khmers comme Pol Pot et Ieng Sary, formés à Paris dans les années 1950, entretiennent un lien idéologique avec les milieux marxistes français. Des figures telles que Jean-Paul Sartre, bien que plus en retrait, symbolisent l’intérêt pour les révolutions du tiers-monde.
Toutefois, la gauche française reste divisée. Le Parti communiste français, aligné sur Moscou, critique le maoïsme et se montre prudent. À partir de 1976, les témoignages de réfugiés et les premiers rapports sur les crimes du régime – exécutions, famines, camps de travail – commencent à éroder l’enthousiasme. En 1978, des intellectuels comme Bernard-Henri Lévy dénoncent publiquement les horreurs commises. Pourtant, certains militants maoïstes continuent de minimiser ces atrocités. Ce déni illustre un aveuglement idéologique tenace, encore discuté aujourd’hui.
L’exil cambodgien et la mémoire en France
Dans les années 1980, face à la terreur du régime, des millions de Cambodgiens prennent la fuite. Une partie d’entre eux trouve refuge en France. Ce mouvement crée une diaspora profondément marquée par le génocide.
L’historienne Julia Ponrouche, autrice d’une thèse sur La présence cambodgienne en France depuis le protectorat (1863-1953) jusqu’à aujourd’hui, revient sur ce sujet dans un podcast. Elle y évoque l’intégration de ces exilés et leur rôle essentiel dans la préservation de la mémoire collective.
Grâce aux temples bouddhistes, aux associations culturelles et aux témoignages, la communauté cambodgienne parvient à préserver son identité. Elle contribue aussi à sensibiliser la société française à l’une des tragédies les plus marquantes du XXe siècle.
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