À Ramonville-Saint-Agne, l’heure de l’alternance a-t-elle sonné ?
Dans la continuité de notre série Respublica Vox consacrée aux acteurs politiques du Sicoval, nous donnons aujourd’hui la parole à Sylvie Brot, figure de l’opposition municipale et candidate déclarée aux élections de 2026. Face à Christophe Lubac, maire sortant qu’elle avait talonné en 2020, elle défend une ligne claire : sécurité renforcée, rigueur budgétaire, et rupture avec une gestion qu’elle juge déconnectée des réalités.
Dans cet entretien, elle revient sur les priorités de sa campagne et appelle à une mobilisation pour tourner la page d’un mandat qu’elle estime à bout de souffle.
Vous pouvez aussi écouter notre interview radio: https://radio2lhers.fr/sylvie-brot-candidate-declaree-a-ramonville-lalternance-est-possible/
Radio L’Hers : Pourquoi vous êtes-vous engagée en politique, et pourquoi à Ramonville ?
Sylvie Brot : La politique, pour moi, est une affaire de convictions profondes. Je suis fille de réfugiés politiques hongrois. Mes parents ont fui Budapest après avoir subi l’invasion nazie, puis soviétique. Ils ont choisi la France, pour la liberté d’expression et de travail, et sont arrivés ici le 14 juillet 1965. Cet héritage m’a naturellement portée vers l’engagement. Ramonville, c’est la ville où j’ai choisi de vivre en arrivant dans la région toulousaine. J’y suis très attachée et je veux contribuer à préserver son cadre de vie.
Radio L’Hers : On parle beaucoup de la crise des vocations chez les maires, qui renoncent souvent à se représenter. Pensez-vous qu’un maire peut encore changer concrètement la vie de ses administrés ?
Sylvie Brot :Oui, absolument. À mon sens, c’est même à l’échelon municipal que l’action politique a le plus d’impact direct. Sur l’aménagement urbain, les écoles, les mobilités, la transition écologique… Un maire a des leviers concrets. C’est pour cela que je m’investis dans la politique locale : pour agir là où l’on peut vraiment être utile.

Radio L’Hers : Christophe Lubac, maire de Ramonville depuis 18 ans, n’a pas encore annoncé sa candidature pour 2026, mais on s’attend à ce qu’il se représente. Quel regard portez-vous sur son bilan, notamment environnemental ?
Sylvie Brot :Certaines actions vont dans le bon sens, mais elles sont arrivées trop tard. Dès les précédents mandats, l’opposition demandait un audit sur la rénovation énergétique des bâtiments publics. Ce travail n’a pas été anticipé. Concernant l’éclairage public, la commune a pris un retard notable. D’autres villes ont déjà remplacé les lampadaires par des modèles moins énergivores, capables de s’éteindre la nuit ou de s’adapter. À Ramonville, l’extinction de l’éclairage est venue de manière brutale, sans concertation, créant un sentiment d’insécurité chez certains habitants.
Radio L’Hers : Et vous, que proposeriez-vous à ce sujet ?
Sylvie Brot :Nous pensons à un éclairage intelligent : des luminaires à intensité réduite (10 %) qui s’allument au passage d’un piéton ou d’un cycliste. Cela permettrait à la fois des économies d’énergie et une réponse au besoin de sécurité.
Radio L’Hers : La participation citoyenne est aussi un pilier du mandat de Christophe Lubac. Que pensez-vous des démarches engagées, comme les budgets participatifs ?
Sylvie Brot :La première des démocraties, c’est la démocratie représentative. Or, elle est aujourd’hui affaiblie à Ramonville. Le maire refuse souvent le débat sur les motions proposées par l’opposition, pour ensuite les reprendre à son compte des mois plus tard. C’est le cas du Fonds Vert, que nous avions proposé d’activer en conseil municipal. Motion refusée à l’époque, mais dont la mairie bénéficie aujourd’hui pour rénover l’école Jean-Jaurès.
Quant à la démocratie participative, elle est mal conduite. Prenons les budgets participatifs : initialement annuels, ils sont désormais biennaux. Les projets votés tardent à voir le jour, comme l’aménagement paysager porté par l’ANART. Pire : des projets essentiels comme l’installation d’arceaux vélos ou de toilettes publiques ne devraient même pas dépendre de ces budgets, mais relever directement des compétences de la mairie. Et enfin, il n’y a pas de véritable vérification des votes. Des personnes extérieures à la commune peuvent voter. C’est un échec.
Radio L’Hers : Si vous étiez élue, maintiendriez-vous ces dispositifs ?
Sylvie Brot :Oui, mais sous une autre forme. Plus transparente, plus efficace, et plus respectueuse de l’expression démocratique locale.
Radio L’Hers : Vous avez récemment mené une bataille autour du budget lors du dernier Conseil municipal. Qu’est-ce que vous reprochez au maire de Ramonville ? Il faut préciser qu’il a été contraint d’augmenter la taxe foncière. Il explique ce choix en affirmant que c’est aujourd’hui le seul levier dont disposent les communes pour se financer. Que lui répondez-vous ?
Sylvie Brot :Nous avons analysé l’évolution de la fiscalité sur une dizaine d’années dans plusieurs communes autour de Ramonville. Il en ressort que de nombreuses communes n’ont pas touché au taux communal de la taxe foncière. À Ramonville, ce taux a pourtant augmenté de 60 % en dix ans. Il n’y a donc pas que le levier fiscal à considérer. Il y a aussi la question de la baisse des dépenses publiques, un sujet que M. Lubac semble considérer comme tabou.
Radio L’Hers : La taxe foncière concerne les propriétaires. M. Lubac avance qu’il doit faire avec 60 % des habitants qui sont locataire, ce qui rend difficile l’élaboration d’un budget reposant uniquement sur cette taxe.
Sylvie Brot :Oui ce sont des habitants qui ne sont pas directement soumis à la taxe foncière. Avant, c’était la taxe d’habitation qui permettait une contribution plus équitable.
Si votre question est de savoir si je suis favorable à une nouvelle taxe locale, je vous répondrais que je n’y suis pas opposée en soi. En revanche, il faut éviter tout matraquage fiscal. Les propriétaires ont déjà été lourdement sollicités via la taxe foncière. Il faut donc veiller à ne pas les pénaliser davantage.
Radio L’Hers : Comment envisagez-vous la réduction des dépenses publiques ? Comment faire concrètement ?
Sylvie Brot :La première chose à faire, c’est de disposer d’indicateurs clairs. Or, M. Lubac est incapable de nous fournir ces indicateurs budgétaires que nous lui demandons depuis le début du mandat. Toute politique budgétaire sérieuse repose sur des ratios et des projections.
Lorsque nous serons en responsabilité, nous mènerons un audit financier pour établir un état des lieux précis. Ensuite, il faudra faire des choix : déterminer quelles politiques publiques doivent être maintenues, et lesquelles peuvent être abandonnées.
Je vous donne un exemple concret : en 2022, le maire décide de reprendre la concession des berges du canal auprès de Voies Navigables de France, via une convention. L’objectif était d’embellir les berges et de rénover le port technique. Résultat ? Aucun chantier n’a été lancé. La gestion des péniches est problématique, avec des expulsions, des tensions sociales, des dépôts de plainte… Pourquoi ? Parce que nous n’avons ni les ressources humaines, ni les moyens financiers pour assumer cette nouvelle compétence. C’est une erreur de gestion.
Radio L’Hers : Mais réduire les dépenses publiques, cela signifie aussi une diminution possible des services publics, voire de la masse salariale, qui a déjà augmenté du fait du dégel du point d’indice et de l’inflation. Quelles coupes concrètes envisagez-vous ?
Sylvie Brot :Il faut d’abord déterminer ce que l’on garde en interne, ce que l’on peut rationaliser ou sous-traiter. Mais pour cela, encore une fois, il faut des données.
Sur la masse salariale, il faudra mener un audit des ressources humaines. Cela nous permettra d’analyser le fonctionnement des services, d’améliorer les conditions de travail et l’efficacité.
Il faut savoir qu’il existe un fort turnover dans les services municipaux de Ramonville, ce qui impacte la qualité du service. Certains services font actuellement l’objet d’audits, ce qui montre bien qu’il y a un dysfonctionnement. Tout cela pèse sur l’absentéisme et l’efficacité. C’est un enjeu majeur.
Radio L’Hers : Venons-en maintenant à la question de l’insécurité. C’est un sujet qui préoccupe de nombreux Français. Il y a d’un côté le sentiment d’insécurité, et de l’autre une réalité, avec des chiffres parfois alarmants, localement comme nationalement. Quelles mesures proposez-vous pour faire face à ce que certains appellent « l’ensauvagement » de la société ?
Sylvie Brot :À Ramonville, très concrètement, peu de choses sont mises en œuvre. Nous proposons plusieurs mesures. La première, c’est le déploiement de la vidéoprotection. C’est un outil à la fois préventif et dissuasif.
Les gendarmes eux-mêmes parlent d’un “effet plumeau” : cela repousse la délinquance vers des zones non équipées. Cela peut paraître cynique, mais c’est une réalité. La présence de caméras agit aussi comme un outil de preuve et facilite les enquêtes.
Donc oui, la vidéoprotection est une première étape indispensable. Et cela doit s’accompagner d’une politique de sécurité plus cohérente, en lien étroit avec les forces de l’ordre.
Radio L’Hers : Entre le maire de Ramonville et la préfecture, plusieurs actions sont en cours, notamment initiées par la préfecture à l’encontre du maire. Comment comprenez-vous cette situation ?
Sylvie Brot : Je considère que le maire de Ramonville renvoie une image très négative. Deux exemples récents illustrent cela. Il y a quelques semaines, il a installé une banderole sur la façade de la mairie en soutien au militant écologiste Paul Watson. Un bâtiment public doit pourtant respecter une stricte neutralité. Le préfet a donc saisi le tribunal administratif. Le jugement devrait être rendu sous peu. Au dernier conseil municipal, il a également fait voter une délibération entachée d’illégalité concernant des congés pour les agents souffrant de douleurs menstruelles. Nous avons refusé ce texte tout en déposant une motion pour faire évoluer la législation. Mais le maire a décidé de faire la loi lui-même. Là encore, je pense que le préfet saisira la justice.
Radio L’Hers : Dans un contexte de fracture sociale – évoquée par des observateurs comme Christophe Guilluy ou Jérôme Fourquet –, comment envisagez-vous une politique locale inclusive et fédératrice ?
Sylvie Brot : C’est précisément le rôle de la puissance publique que de garantir cette cohabitation, cette coéducation. Je suis enseignante, je forme de futurs professeurs, et je crois profondément en l’émancipation par l’éducation. C’est un levier fondamental pour lutter contre les inégalités, favoriser l’égalité femmes-hommes et renforcer le lien social.
Radio L’Hers : La politique culturelle de la ville fait débat. Si vous êtes élue, quelle direction souhaitez-vous donner à cette politique ?
Sylvie Brot : Depuis 2022, le maire a délégué la politique culturelle à l’association Arto, qui fait du bon travail, notamment avec le festival de rue. Mais une politique culturelle relève d’un choix politique clair. Que propose-t-on aux habitants ? Aujourd’hui, les équipements existent, mais l’offre ne répond pas aux attentes d’un large public. Cela doit changer. Cela fera partie des discussions avec mon équipe.
Radio L’Hers : Vous êtes particulièrement engagée sur la question du handicap, notamment des personnes sourdes. Quelles critiques formulez-vous à l’égard de la politique actuelle ?
Sylvie Brot : Le parcours bilingue en langue des signes à Ramonville est exceptionnel – unique en France avec seulement deux autres exemples. Il attire des familles de toute la France. Pourtant, le maire a signé une convention limitant à 56 le nombre d’élèves sourds, alors qu’on en a accueilli jusqu’à 70 sans difficulté. Je veux sécuriser et développer ce dispositif. Par ailleurs, sur l’accessibilité de la voirie, un diagnostic en fauteuil roulant réalisé en 2020 a été reconduit récemment : rien n’a changé. Beaucoup de discours, peu d’actions. Enfin, notre demande depuis 2020 de rendre accessibles les conseils municipaux en langue des signes n’a toujours pas été suivie d’effet.
Radio L’Hers : À l’heure où le métro arrive à Labège et où le Sicoval connaît une forte croissance, quelles sont vos propositions économiques ?
Sylvie Brot : Sur le petit commerce, l’action municipale est quasi inexistante. Il faut créer une dynamique : organiser une grande braderie annuelle, un marché de Noël avec les commerçants locaux, intégrer les artisans à nos événements municipaux. Ce soutien concret manque aujourd’hui. Nous y travaillerons activement.
Radio L’Hers : Le maire sortant s’est éloigné du PS . Il estb membre de Génération S plus proche de la France Insoumise, un parti au fonctionnement autocratique et aux prises de positions qui s’éloignent de plus en plus des principes républicains. Quelle est votre position sur les alliances politiques locales ?
Sylvie Brot : Il ne faut pas importer les clivages nationaux dans les élections locales. Mais il y a des lignes rouges. La France Insoumise en est une. Nous regrettons que Christophe Lubac s’y soit rallié. De notre côté, nous construisons une équipe indépendante, axée sur les enjeux locaux.
Radio L’Hers : Vous êtes très présente sur le terrain. Comment comptez-vous maintenir ce lien si vous êtes élue ?
Sylvie Brot : Encore davantage ! Je suis sur le marché presque chaque samedi. Si nous sommes élus, nous y installerons un stand « Le maire à votre écoute ». Nous voulons instaurer un vrai dialogue de proximité. Nous avions aussi proposé qu’à la fin de chaque conseil municipal, les habitants puissent poser des questions. La majorité a refusé. Nous mettrons cette initiative en place.
Radio L’Hers : Êtes-vous optimiste pour ces élections ?
Sylvie Brot : Oui. En 2020, malgré le contexte du Covid, nous avons fait un bon score. Aujourd’hui, les conditions sont différentes et l’équipe que nous construisons est solide, ancrée localement, et déterminée à faire mieux.
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